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RetroFoot
25 avril 2007

Johan Cruyff, la soixantaine rayonnante (2)

cruyffajax


Johan Cruyff n'arrivait pas en territoire inconnu lorsqu'il débarqua à Barcelone à l'été 1973. Depuis deux ans, en effet, le club catalan est entraîné par Rinus Michels, l'homme qui façonna le grand Ajax. A son arrivée en Espagne, Cruyff devint pour tout les fans blaugranas "El Salvador", celui qui pouvait à lui-seul permettre au Barça de renouer avec les glorieuses heures de son passé. Le Hollandais fit ses débuts en match officiel sous le maillot culé lors de la 8ème journée de Liga, le 28 octobre 1973. Ce jour là, le Camp Nou put assister à une grande performance de son nouveau "Messie" face à Grenade. Les Andalous encaissèrent 4 buts dont deux de Cruyff, et si le premier était entaché d'un hors jeu de Marcial, le deuxième d’une spectaculaire volée du pied gauche ne souffrait d'aucune critique. Les débuts de Cruyff avaient été retardés à la fin octobre à cause de problèmes administratifs entre le club catalan et la KNVB qui ne voulait pas dans un premier temps valider le transfert avant le mois de décembre. Durant ces longues négociations, pour amortir le coût du transfert, le Barça prévit plusieurs amicaux et l’un d’eux au Camp Nou, face au Cercle de Bruges, permit à Cruyff de signer un doublé lors d'une très large victoire (6-0). Au final, la Fédération Hollandaise donna son accord pour permettre à Cruyff de jouer avant la fin de l'année avec le club espagnol pour qu'il n'arrive pas hors de forme lors des matchs de qualifications pour la Coupe du Monde de 74. Tout le monde y trouvait son compte, à commencer par les Blaugranas pour qui le 4-0 face à Grenade n'allait être qu'un prélude à une saison exceptionnelle. Avant ce match, les Catalans pointaient à la 14ème place du classement. Avec Cruyff dans leurs rangs, l'équipe ne perdra alors plus aucun match (soit 27 matchs de rang sans défaite) jusqu'à remporter le titre tant attendu à 5 journées de la fin au El Molinón de Gijón après une nouvelle victoire 4 à 2 face aux Rojiblancos. Point d'orgue de la saison, le 5-0 infligé le 17 février au Real Madrid sur sa pelouse de Santiago Bernabéu avec un Johan Cruyff au sommet de son art, un artiste du ballon au toucher de balle magique qui mit au supplice la défense merengue et marqua un but sur une superbe action solitaire se jouant dans la surface de réparation de trois joueurs madrilènes transformés en vulgaires piquets avant de faire trembler les filets du pauvre Mariano Garcia Remon.


Ce fameux récital, peut-être l'un des plus beaux matchs de toute sa carrière, représentait à lui seul un beau résumé de la saison où Cruyff avait permis au phénix catalan de renaître de ses cendres pour remporter sa première Liga après une traversée du désert de 14 ans. Au total, il inscrivit 16 buts en Liga, soit seulement quatre de moins que le Pichichi, Quini. A titre personnel, Cruyff pouvait s'enorgueillir d'avoir reçu son deuxième Ballon d'Or pour l'ensemble de son année 1973 partagé entre Ajacides et Blaugranas. Dans sa chronique annuelle sur le vainqueur de cette élection, Jean-Philippe Réthacker notait une évolution dans le jeu du néerlandais "Lorsqu'on passe en revue les matches qu'il a pu jouer avec Ajax et avec l'équipe des Pays-Bas, on s'aperçoit au premier examen qu'il n'a que rarement eu une influence directe sur le succès final, marquant peu de buts et ne se signalant pas toujours par des actions individuelles d'éclat. Par exemple, devant la Juventus, en finale de Coupe d'Europe, c'est Rep qui décrocha la victoire alors qu'un an auparavant Cruyff avait fait la décision à lui seul. Mais en poussant plus loin l'analyse, on se rend vite compte que le Cruyff 1973 a tenu un rôle au moins aussi important dans l'ombre de ses partenaires. Désormais serré de près, maltraité, rudoyé, blessé, il ne peut pas toujours placer le dribble ou le tir décisif. Mais il possède l'intelligence et la lucidité du joueur d'exception qui, en prenant de l'âge et de la notoriété, donc en attirant toute l'attention de l'adversaire sur lui, choisit sans hésiter de devenir un équipier et un meneur de jeu." Cette année 1974 vit également la naissance de son troisième enfant, le 9 Février, un garçon qu'il nomma Jordi, un prénom catalan encore interdit à cette époque où le franquisme vivait ses dernières heures. Il devint alors un véritable héros du peuple catalan, le symbole de l'insoumission de cette région et de son aversion pour le pouvoir central, d'autant plus que cette même année il était, à sa propre initiative, allé rendre visite aux 113 députés indépendantistes catalans emprisonnés dans les geôles de Franco pour leur dédicacer une photo… 1974 marquait aussi le retour des Pays-Bas dans une Coupe du Monde. La bande à Cruyff arracha son billet pour le rendez-vous mondial grâce à une meilleure différence de buts aux dépens de la Belgique, une qualification aux forceps qui mettait un terme à 36 ans d'absence des Néerlandais, incapables de se qualifier depuis l'édition 1938 et un match perdu dès le Premier Tour face à la Tchécoslovaquie (3-0, après prolongations) au Havre. Un retour et quel retour ! Durant ce tournoi, les "Oranges Mécaniques", coachés bien sûr par Rinus Michels, déployèrent un des meilleurs football jamais vu lors d'un Mondial avec en génialissime chef d'orchestre Johan Cruyff himself. Le tournoi des Bataves débuta à Hanovre face à l'Uruguay et malgré un manque de réalisme la Celeste, et Ladislao Mazurkiewicz, repartit avec deux buts dans les valises après un doublé de Johnny Rep. La deuxième rencontre face aux Suédois se termina sur un décevant 0-0 mais elle fut marqué par le geste technique tenté et réussi par Cruyff devant un défenseur scandinave : feinte de centre, talonnade et débordement et si la suite de l'action ne donna rien, ces quelques secondes passèrent à la postérité : le "Cruyff Turn" était né.


Lors du dernier match du premier tour, les Bulgares ne pesèrent pas bien lourd et durent s'incliner devant la démonstration de football que leur imposaient les Néerlandais qui s'imposèrent au final 4 à 1 après un doublé de Johan Neeskens sur penalty, un nouveau but de Rep et un dernier de Theo de Jong. Même le but bulgare fut marqué par un Oranje et en l'occurence Ruud Krol. Le "totaal-voetbal", en version originale, avait fait de cette équipe des Pays-Bas un candidat plus que crédible au titre suprême après un premier tour totalement maitrisé. Au Second Tour, les Hollandais furent versés dans le groupe des champions du monde brésiliens, de l'Argentine et de la RDA. Le premier match face aux Albicelestes à Gelsenkirchen permit à Cruyff d'inscrire ses premiers buts en Coupe du Monde en trompant dès la 12ème minute Daniel Carnevali. Ce match se déroula d'ailleurs à la perfection pour l'ensemble de l'équipe avec au final une large victoire 4 à 0 (Krol, Rep et un deuxième but de Cruyff). La presse s'extasia dans des comptes-rendus lyriques sur les performances des Bataves les voyant en magnifique champions du monde. Un sentiment confirmé lors de la victoire face aux Est-Allemands 2-0 (Neeskens et Rensenbrink). Un incident émailla alors le parcours des Pays-Bas. La délégation néerlandaise était logée au Waldhotel d'Hiltrup, un établissement doté d'une piscine, qui allait faire beaucoup jasée... Le 2 Juillet, le quotidien allemand, Bild, peu connu pour la grande qualité de ces articles, étalait dans ses pages intérieures sur plusieurs colonnes "Cruyff, Sekt, nackte Mädchen und ein kühles Bad" (Cruyff, champagne, filles nues et un bain frais), en réalité une cabale plus ou moins intentionnellement montée par le journal pour déstabiliser les Néerlandais. Beaucoup de bruit (surtout du côté des conjointes de ces joueurs restées au pays) pour pas grand chose. Pour en revenir au terrain, le dernier match de ce tour final opposait les Oranjes aux Auriverdes dans une sorte de "demi-finale" officieuse. Des buts de Neeskens et Cruyff suffirent au bonheur des hollandais qui réussirent à résister au défi physique imposé par les Brésiliens dans une partie très hachée. Les Bataves s'offraient par la même l'occasion le droit d'affronter en finale la RFA à l'Olympiastadion de Munich. Cette confrontation débuta sur un coup de théâtre dès la première minute de jeu, lorsque Cruyff fut descendu dans la surface de réparation allemande après un raid solitaire. Neeskens transforma le penalty alors que les Allemands n'avaient pas encore pu toucher la balle. Piqués au vif, les Sepp Maier, Franz Beckenbauer, Berti Vogts - qui allait ensuite museler Cruyff - Uli Hoeness et Wolfgang Overath parvinrent à égaliser sur un nouveau penalty transformé par le Bavarois Paul Breitner. Peu avant la mi-temps, le renard des surfaces Gerd Müller, crucifia Jan Jongbloed et les Pays-Bas en croisant sa frappe devant le but grand ouvert. Un but dont ne se relevèrent pas les Néerlandais qui durent laisser filer ce titre qu'on leur avait tant de fois promis avant le début de la rencontre. Cruelle désillusion pour leur capitaine et pierre angulaire de leur système de jeu, dont le génie ne suffit pas à faire triompher les Pays-Bas lors de leur première finale mondiale face à la machine allemande.

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