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RetroFoot
19 août 2009

El Maracanaço ou la chronique d'un titre annoncé...

barbosa1950


URUGUAY


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BRESIL


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Maracanã. Rio de Janeiro. 16 juillet 1950, entre 16 heures et 17 heures, lorsque que tout un peuple fut le témoin du tir de l'Uruguayen Alcides Ghiggia qui alla échouer dans les filets du portier brésilien Moacyr Barbosa. Ce but, c'est le deuxième but de la tragique défaite brésilienne devant l'Uruguay 2-1 de ce qui allait devenir la finale non officielle de cette Coupe du monde 1950, le but qui sacrait l'Uruguay et dépossédait le Brésil d'un titre qu'il s'était déjà attribué de fait ou comment un seul but put faire chavirer dans la tristesse un pays tout entier. Mais revenons à un ordre plus logique (et chronologique) pour notre histoire. La Seconde Guerre Mondiale a bien évidemment perturbé l'essor du football et sa plus belle vitrine : la Coupe du Monde. Durant une bonne partie des années 1940, le football passa fort logiquement au second plan. Il fallait déjà penser à survivre, à se nourrir avant de penser à courir après un ballon. Mais dès la paix revenue, en 1946, la FIFA organisa un congrès à Luxembourg. L’un des sujets à l’ordre du jour : le choix du pays d’accueil pour la Coupe du Monde de la FIFA 1950. Et c'est au Brésil qu'échoua la responsabilité d'organiser cette compétition (le Brésil avait été d'ailleurs un des deux pays pressenti, avec l'Allemagne, pour accueillir la CdM 1942 qui n'eut bien sur jamais lieu), un Brésil qui sortait tout juste d'une dictature (l'Estado Novo) instituée de 1937 à 1945 par Getúlio Vargas. Lors de cette première Coupe du Monde de l'après-guerre, les éliminatoires tournèrent rapidement à la mauvaise farce lorsque des équipes déjà qualifiées déclinèrent l'invitation alors que d'autres sélections, bien qu'éliminées, se virent offrir la possibilité de disputer la compétition. Tout d'abord, pour des raisons politiques, les pays de l’Europe de l’Est (tout comme l'Allemagne et le Japon) ne furent même pas sélectionnés. Un choix qui priva de compétition l’Union Soviétique, la Tchécoslovaquie et la Hongrie, probablement quelques unes des meilleures formations du moment. D'autres fédérations décidèrent de se retirer et de déclarer forfait, dont par exemple l’Argentine, l'Autriche, la Belgique, l'Equateur, le Pérou, et bien d'autres encore. Dans un autre registre plus léger, l'Inde, qualifiée justement grâce aux forfaits de l’Indonésie, de la Birmanie et des Philippines, annule sa participation devant le refus de la FIFA d'accéder à sa demande de jouer pieds nus. En Europe, l’Ecosse, qualifiée, avait auparavant décrété qu’elle ne participerait à la compétition qu'à la condition que sa formation termine première de son groupe. Le destin en décida autrement (2ème après avoir perdu 1-0 contre l'Angleterre) et l'Ecosse se retira de la CdM ! La Turquie déclara également forfait après avoir été qualifiée. La France et le Portugal furent alors repêchés, mais les deux fédérations refusèrent l'invitation trop tardive pour mettre en place la logistique pour une Coupe du Monde disputée de l'autre côté de l'Océan Atlantique dans un pays où les distances entre certains stades pouvaient se compter en milliers de kilomètres. L’Italie, tenante du titre, sera elle bien au rendez-vous mais largement affaiblie. En effet, tous les joueurs du Torino, dont certains faisaient partie de l'équipe nationale, ont périt un an auparavant dans le drame de Superga (Mai 1949). A signaler, tout de même au milieu de ces histoires plus rocambolesques les unes que les autres la première participation de l'Angleterre enfin sortie de son splendide isolement pour daigner participer à une Coupe du Monde.


Au bout du compte, on arriva tout de même à réunir 13 équipes pour se disputer ce Mondial mais à cause des différents forfaits un groupe du premier tour ne compta que 3 équipes et un autre seulement 2 comment ! Bonne pioche pour l'Uruguay et la Bolivie qui n'eurent à disputer qu'un match pour déterminer lequel de ces deux pays Sud-Américains participerait au Tour Final de la compétition. Un match qui tourna vite à une démonstration des Charrúas uruguayens victorieux 8 à 0 d'une pâlichonne Bolivie à Belo Horizonte. Autre détail intéressant et surprenant, aucun de ces groupes (hormis le Gr.4 vu qu'il ne compta qu'une rencontre) n'était basé exclusivement sur un site. Par conséquent, plusieurs équipes furent obligées de couvrir de grandes distances pour disputer leurs matchs. Le Brésil fut relativement épargné de ces grands chassés-croisés puisque les hôtes disputèrent deux de leurs matches au Maracanã de Rio de Janeiro et le troisième dans la métropole voisine de São Paulo. La principale surprise de ce premier tour vint des résultats en demi-teinte (c'est le moins que l'on puisse dire) des Anglais qui rentèrent à la maison en terminant deuxième de leur rencontre et en ayant concédé une humiliante défaite face à leurs cousins américains (1-0, but de Joe Gaetjens). La performance des joueurs à la bannière étoilée fut d'ailleurs sans lendemain et ils rentrèrent au pays comme ils en étaient partis : dans l'indifférence générale. Dans le Gr.1, le Brésil remporta facilement le match d'ouverture, le 24 Juin, face au Mexique 4 buts à 0 grâce à un doublé d'Ademir, des réalisations de Jaïr, de Baltazar. Après ce succès face aux Mexicains, les hôtes affrontèrent la Suisse à São Paulo. D'ailleurs pour l'anecdote, le sélectionneur brésilien Flávio Costa avait aligné 3 joueurs paulistes supplémentaires dans son équipe type, une pratique courant pour faire plaisir aux supporters locaux. Malheureusement pour eux, les Brésiliens durent concéder le nul 2-2 à cause de l'égalisation tardive de Jacques Fatton, auteur ce jour-là d'un doublé. Un nul quelque peu embarrassant puisqu'il obligeait, la Seleção à battre la Yougoslavie pour assurer sa qualification. Peut-être aidé peut-être par le fait que (légende ou réalité ?) l'un des maîtres à jouer de l'équipe slave, Rajko Mitić, se soit blessé, le Brésil s'imposa 2-0 grâce à Ademir et Zizinho et poursuivit donc son chemin dans sa Coupe du Monde. D'après certaines sources, Mitic serait tombé dans les escaliers menant à la pelouse du Maracanã et dût jouer avec la tête bandée. Les autres groupes virent l'Espagne (Gr.2) et la Suède (Gr.3) terminer à la première place et se qualifier également pour le Tour Final. Un Tour Final, principale innovation (sans lendemain) de ce Mondial 1950 censé remplacer les Demi-Finales et la Finale. Le Brésil, l'Espagne, la Suède et l'Uruguay allaient donc se disputer la Coupe du Monde sous la forme d'un mini-championnat.


Feuille du match : Uruguay - Brésil 2-1

Buts :
Uruguay : Juan Alberto Schiaffino (66ème), Alcides Ghiggia (79ème)
Brésil : Friaça (47ème)

Lieu : Rio de Janeiro, Maracanã

Date : 16 Juillet 1950

Arbitre : M. George Reader (Angleterre)

Affluence : 199 854 spectateurs

Composition des équipes :

Uruguay : Roque Gastón Máspoli (CA Peñarol) - Matías González (CA Cerro), Eusebio Tejera (Nacional), Schubert Gambetta (Nacional) - Obdulio Varela (CA Peñarol - cap.), Victor Andrade (Central Español) - Alcides Ghiggia (CA Peñarol), Julio Pérez (Nacional), Oscar Míguez (CA Peñarol) , Juan Alberto Schiaffino (CA Peñarol), Ruben Morán (CA Cerro). Sélec. : Iván López.

Brésil : Barbosa (Vasco de Gama) - Augusto (Vasco de Gama - cap.), Juvenal (Flamengo), Bauer (São Paulo) - Danilo Alvim (Vasco de Gama), Bigode (Flamengo) - Friaça (São Paulo), Zizinho (Flamengo), Ademir (Vasco de Gama), Jaïr (Palmeiras), Chico (Vasco de Gama). Sélec. : Flávio Costa.


Le Match :


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Les deux premiers matchs des Brésiliens dans le Tour Final tournèrent aux triomphes. Les locaux étrillèrent la Suède (7-1) avant de démolir l'Espagne (6-1) au point de sembler invincibles. Durant ces rencontres, le Brésil déploya un football qui enthousiasma tous les observateurs. La Gazetta Dello Sport décrivit Zizinho comme un Léonard de Vinci "créant des œuvres d'art avec ses pieds sur l'immense toile qu'est la pelouse du Maracanã". L'euphorie du public brésilien atteint son apogée lors du match contre l'Espagne. Après le troisième but du Brésil, la foule agita des mouchoirs blancs en lançant des "Adios" aux quelques supporters espagnols présents dans le stade. En seconde mi-temps, des "Olé" s'élevaient des tribunes, tout le public chantait et faisait la fête dans les tribunes tandis que les joueurs locaux assuraient le spectacle sur la pelouse. Si bien que plus personne ne doutait de leur succès à domicile. Après ces deux premières rencontres, les Brésiliens comptaient 4 points. L'Uruguay, de son côté, avait obtenu le nul face à l'Espagne (2-2) et avait battu les Scandinaves (3-2) grâce à deux buts inscrits dans le dernier quart d'heure par Oscar Míguez. La Celeste semblait beaucoup plus laborieuse que lors de son unique match du premier tour face à la Bolivie. Le dernier match Brésil-Uruguay se présenta alors comme une véritable finale puisque seules ses deux équipes pouvaient espérer remporter le trophée avec, sur le papier, un net avantage aux Brésiliens qui comptant un point d'avance pouvaient se contenter d'un nul. La presse spécialisée et le grand public avait déjà commencé à fêter les Brésiliens comme les nouveaux champions du monde. 


Le 15 Juillet, soit la veille de ce Uruguay-Brésil, la Gazeta Esportiva de São Paulo titrait "Demain nous battrons l'Uruguay !". De son côté, le journal carioca (de Rio de Janeiro) O Mundo avait imprimé une image des joueurs brésiliens avec les mots "Ce sont les champions du monde." Ils avaient bien sûr des raisons évidentes de fêter ce succès avant même la rencontre. Lors de deux précédents matches, le Brésil avait émerveillé les spectateurs avec un football samba alors que la Celeste avait peiné pour arracher un nul et une victoire étriquée. Le matin du 16 Juillet, les rues de Rio étaient même occupées par un mini carnaval improvisé, avec des centaines de personnes célébrant le titre de champion du monde au son des "Le Brésil doit gagner !". Cette vague d'encouragements n'a jamais cessé, allant même en s'amplifiant jusqu'au coup d'envoi donné devant près de 200 000 personnes, un record depuis lors inégalé pour un match de football ! Le Maire de Rio, Angelo Mendes de Moraes, y alla lui aussi de son discours enthousiaste : "Vous, joueurs, qui dans moins de quelques heures seront salués comme champions du monde par des millions de compatriotes ! Vous qui n'avaient aucun rival dans l'hémisphère entier ! Vous qui surmonteraient n'importe quel autre adversaire ! Vous, que je salue déjà comme vainqueurs!". Côté Uruguayen, peu de temps avant le match, dans l'intimité du vestiaire, le coach Iván López avait déterminé qu'une stratégie défensive était la plus adaptée pour contrer la puissante ligne d'attaque adverse. Peu après le départ du coach, le capitaine de l'équipe, Obdulio Varela, selon ce qu'on pourrait désormais appeler la légende, prit la parole. "Juancito (le sélectionneur) est un bon gars, mais aujourd'hui, il a tort. Si nous jouons défensivement contre le Brésil, notre destin ne sera pas différent de celui de l'Espagne ou de la Suède." Il ajouta également au sujet de la pression des spectateurs locaux "Muchachos, los de afuera son de palo. Que comience la función", ce qui pourrait être traduit par "Les enfants, ceux de dehors ne comptent pas. Que le match commence".


Et lorsque le match commença, comme tout le monde s'y attendait, les Brésiliens prirent d'assaut la cage uruguayenne mais contrairement aux Ibères ou aux Scandinaves, ceux-ci résistèrent. La première mi-temps fut même atteinte sur un score nul et vierge et quoique ce résultat était toujours favorable au Brésil, l'enthousiasme de la foule avait diminué. Cependant dès le retour des vestiaires, deux minutes après la pause, Friaça, l'attaquant de São Paulo ouvrit le score pour la Seleção en battant Maspoli d'un tir croisé, un but salué, dans une ambiance indescriptible, par les milliers de spectateurs totalement acquis à la cause brésilienne. Varela alla contester auprès de l'arbitre la validité du but arguant du fait que le joueur était hors-jeu mais rien n'y fit, le score était bel et bien de 1-0. Le capitaine déclara alors à ses coéquipiers qu'"il est (maintenant) l'heure de gagner". Et comme par miracle, une dizaine de minutes plus tard, les Uruguayens arrachèrent l'égalisation grâce au joueur du Peñarol Montevideo, Juan Alberto Schiaffino. Sur le coup, un silence de mort descendit sur le Maracanã. La foule fut refroidie mais repris vite ses encouragement, après tout ce résultat arrangeait toujours ses favoris. A 1-1, le Brésil tenait toujours la première place du groupe et donc sa Coupe du Monde. Vint alors l'instant pour Alcides Ghiggia, déjà passeur décisif sur le premier but uruguayen, de briller, et d'inscrire son nom bien haut parmi les bourreaux du football brésilien. A 16h33, l'ailier droit du Peñarol prenait une nouvelle fois l'avantage sur Bigode puis continuait son action seul. Il rentrait dans la surface et envoyait le ballon se figer dans le but du portier brésilien Barbosa. A propos de ce but, le malheureux Moacyr Barbosa, premier gardien noir de l'histoire de la Seleção, raconta. "Quand ils marquèrent le 2-1..., Ce silence pesa..., Ghiggia s'avançait, je devinais au centre de la surface trois bourreaux prêts à m'exécuter, attendant la balle. Bigode poursuivait Ghiggia, Juvenal tentait de le couvrir et accélérait en direction de Ghiggia, mais s'il centre, c'est cuit, c'est un but certain. J'attends donc que Ghiggia centre, je m'avance d'un pas, car il va sûrement répéter son action du premier but (NDLR : Ghiggia allait alors centrer en retrait pour Schiaffino), il sent que je suis sorti, bien qu'il arrive tête baissée, il frappe du coup de pied la balle. C'est un shoot trompeur, elle rebondit sur le gazon, monte et descend, je fais un pas de côté et plonge sur ma gauche. Je réussis à toucher la balle, persuadé de l'avoir déviée en corner Mais quand je sentis le stade envahi d'un profond silence je m'armai de courage, je regardai derrière et vis le cuir marron là-bas au fond des filets..." Le pauvre allait porter toute sa vie le poids de ce but, le parfait bouc émissaire en somme. D'un coup la foule se tue, et resta comme éteinte jusqu'au coup de sifflet final de l'arbitre anglais George Reader : l'impensable s'était produit, l'Uruguay était champion du monde et rentrait dans l'histoire comme un des jours le plus noir du football brésilien. Jules Rimet, alors président de la FIFA, déclara que "le silence était morbide, parfois trop difficile à supporter". La foule hurlante allait laisser place à une assemblée d'incrédules "dépouillés" d'un titre qu'ils pensaient légitime et déjà acquis. La Fédération Brésilienne avait déjà fait gravée 22 médailles d'or avec les noms des joueurs gravés dessus. D'ailleurs, Jules Rimet, lui-même, avait préparé un discours en portugais pour féliciter le vainqueur. Au passage, les officiels brésiliens "oublièrent" de remettre le trophée à leur vainqueur, laissant seul Jules Rimet, avec la Coupe entre les mains, qui dut se débrouiller pour la remettre au capitaine Obdulio Varela.


"Prolongations" :


La finale de 1950 a été analysée, interprétée, tant de fois, par tant de personnes qu'elle a depuis longtemps cessé d'être un match de football pour devenir une sorte de mythe, de légende. Les jours suivant la rencontre, beaucoup de journaux refusèrent d'accepter la défaite, des supporters allèrent même jusqu'au suicide. Ce jour fut véritablement un jour de deuil pour une nation tout entière qui avait porté (trop tôt) aux nues ses joueurs auriverdes. Enfin auriverde, pas exactement puisque le Brésil évoluait à l'époque dans une tenue blanche à encolure bleue accompagnée de shorts blancs. Cependant, ce match fut la dernière fois que cette tenue fut portée, par superstition peut être ? En tout cas, depuis ce jour, la Seleção est devenue auriverde avec sa tenue aux couleurs du drapeau national qui permit à tant d'autres artistes brésiliens de faire triompher le football samba. Mais ceci est une autre histoire...

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